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Les revers surprenants du #défipissenlit

Dernière mise à jour : 19 mai 2022

Traduction de la version anglaise d’un article publié par Rewilding Magazine et disponible dans sa forme originale sur Facebook *


Message Facebook: https://t.co/YVYJ6D3UnP


Ne pas tondre sa pelouse et laisser pousser les pissenlits pendant un mois est présenté comme un moyen facile d'aider les abeilles. Mais les solutions uniques et universelles ne sont pas des solutions adaptées en conservation.


Abeille native Lasioglossum sur une fleur d’érable rouge. Photo : Heather Holm.


Cet article est écrit par Sheila Colla et Lorraine Johnson, auteures du livre à venir A Garden for the Rusty-Patched Bumblebee: Creating Habitat for Native Pollinators: Ontario and Great Lakes Edition, ainsi que la biologiste et auteure Heather Holm. Il a été traduit par la chercheuse et candidate Liber Ero Mathilde Tissier (les notes de la traductrice sont indiquées par des *).



Les pissenlits suscitent des réactions extrêmes. Ils sont considérés comme le fléau de l'entretien des pelouses, détestés avec une ferveur servant à justifier l’utilisation massive de produits chimiques (encouragé par l'industrie de l'entretien des pelouses et la publicité) utilisés depuis des décennies pour résoudre le "fléau" de cette fleur jaune. Quiconque permet à quelques pissenlits de ternir le vert de la pelouse s'expose à la honte de la communauté.


Il y a un mouvement en cours pour restaurer l’image du pissenlit. Comme la plante elle-même, le mouvement est né en Grande-Bretagne et a été importé en Amérique du Nord. Sous la bannière d'un slogan accrocheur, #Défipissenlit (#NoMowMay en anglais, ou mai sans tondeuse en français)* ce mouvement exhorte les gens à laisser pousser la pelouse en toute liberté pendant un mois au printemps, et à célébrer la végétation qui apparaît, afin de "nourrir les abeilles."


Cette initiative peut être utile au Royaume-Uni, où elle a vu le jour et où les abeilles locales ont évolué de concert avec ces plantes. Mais les pelouses nord-américaines, entretenues à l'aide de pesticides et d'engrais, ne favorisent pas les plantes indigènes et les populations d'abeilles indigènes. Il est très important de remettre en question les pelouses monoculturales et les importants dégâts écologiques qu'elles ont causés, mais offrir un moment de rébellion esthétique pour se sentir bien risque de masquer, voire de nuire à l'objectif principal.


Au lieu d'encourager le #Défipissenlit ou #maisanstondeuse (#NoMowMay et #LazyLawns en anglais)*, il est urgent de gérer, d'entretenir et de nourrir les paysages pour favoriser la biodiversité indigène et l'intégrité écologique. Un mois de longues pelouses remplies de pissenlits et d'autres espèces de mauvaises herbes non indigènes ne suffit pas. C'est l'équivalent écologique de l'ouverture d'un fast-food à chaque coin de rue - pour une courte durée. Au mieux, des hamburgers et des frites pendant un certain temps, mais pas un menu complet et durable offrant une alimentation saine et un habitat pour les pollinisateurs.

Bourdon à deux points (Bombus bimaculatus) sur une fleur de saule.


Alors que nous devons desserrer l'emprise de la pelouse sur notre imaginaire paysager collectif, voici ce que nous disent les quelques recherches effectuées à ce jour sur les pissenlits. Le pissenlit a un pollen allélopathique, un terme scientifique qui signifie essentiellement que le pollen du pissenlit peut réduire le succès de reproduction des fleurs sauvages indigènes, perturbant ainsi les communautés de plantes indigènes qu'il envahit. Une autre étude a montré que les reines bourdons (certaines des abeilles sauvages émergentes que les campagnes en faveur du pissenlit prétendent aider) se mettent à manger leurs propres œufs lorsqu'elles ont sont nourries avec du pollen de pissenlit, pauvre en protéines.


Il ne s'agit pas d'arguments pour vilipender le pissenlit ni pour rejeter l'intérêt de repenser la gestion de pelouses immaculées. En effet, l'un des avantages de la campagne #NoMowMay (#Défipissenlit et #maisanstondeuse en français *) est qu'elle remet en cause l'esthétique conventionnelle des pelouses et, ce faisant, contribue à normaliser l'acceptation d'habitats d'apparence "désordonnée" qui soutiennent les pollinisateurs (feuilles mortes et tiges de plantes mortes, par exemple). Un autre avantage de la campagne est que le fait de ne pas faire tourner la tondeuse à gazon réduira la pollution sonore et atmosphérique.


Mais le #Défipissenlit et #maisanstondeuse n’offrent pas une solution appropriée face à la perte et à la dégradation de l'habitat des pollinisateurs.


Les relations de coévolution entre les plantes et les insectes indigènes sont importantes. Ce sont ces associations complexes qui soutiennent toute la vie sur terre. Les pelouses, même celles où l'on trouve des pissenlits et des dizaines d'autres espèces de mauvaises herbes introduites qui apparaissent spontanément, ne contribuent tout simplement pas de manière significative au maintien de ces relations.


Lorsque nous remplissons le paysage de plantes introduites - comme nous l'avons fait délibérément dans les jardins et par inadvertance dans les zones naturelles avec des espèces envahissantes qui sont le résultat du commerce mondial, de l'horticulture et d'autres facteurs - nous perturbons ces relations cruciales qui ont évolué depuis longtemps. Il s'agit d'une autre forme de colonialisme dans le paysage.



Abeille native sur une fleur de tournesol nain. Photo: Mathilde Tissier.


La conservation des abeilles sauvages est un travail difficile et plein de nuances. Il faut décortiquer des systèmes complexes et lutter contre la désinformation généralisée. Ce travail complexe est entravé par des messages simplistes qui perpétuent l'idée que les espèces adventices non indigènes sont bonnes pour toutes les abeilles. Non. Il existe plusieurs centaines d'espèces d'abeilles sauvages, chacune ayant ses propres exigences écologiques et ses propres comportements. Ce sont des créatures magnifiques et importantes, qui méritent d'être comprises au-delà des slogans simplificateurs.


S'il peut être réconfortant de penser que nous pouvons remplacer les pièces d'un puzzle complexe et continuer à répondre aux besoins de tous les pollinisateurs, plus nous en apprenons sur l'écologie de ces relations co-évoluées, plus nous savons que ce n'est pas le cas. Il y a tout simplement trop d'inconnues.


Ce que nous savons, c'est que notre inattention à ces associations complexes a conduit à la crise de la biodiversité dans laquelle nous nous trouvons. Des dizaines d'espèces de pollinisateurs sont en déclin, en voie d'extinction ou ont complètement disparu. Ce que nous devons faire, c'est de l'intendance, le travail concerté - et jovial - qui consiste à participer à une relation et à une connexion actives avec les systèmes naturels.


EN :


Espace pour la vie *


Voici donc quelques messages simples à faire passer. Ne pas tondre en mai (et au-delà) est une bonne chose. Les pelouses immaculées et monoculturales sont des déserts à pollinisateurs - moins il y en a, mieux c'est. Remplacez une partie de votre pelouse par des plantes indigènes densément plantées. Plantez des arbres indigènes à floraison précoce tels que le saule, l'érable rouge et l'une des superbes espèces de cerisiers indigènes. Soutenez les abeilles spécialistes du pollen en plantant des verges d'or, des tournesols, des asters et des échinacées indigènes. Mangez les pissenlits qui apparaissent dans votre pelouse non coupée (ils sont délicieux !). Passez le temps de tonte que vous avez économisé à arracher les espèces envahissantes comme l'herbe à l'ail et la vigne étrangleuse, et planifiez votre projet de conversion de la pelouse en une plantation de pollinisateurs indigènes. Acceptez le "désordre" des feuilles en décomposition et des tiges de plantes mortes qui constituent un habitat essentiel pour les pollinisateurs.


Engagez-vous, nourrissez, soignez et cultivez les communautés naturelles dont nous faisons partie et dont nous dépendons. Pour sortir de la crise de la biodiversité, il faudra gérer activement, et non négliger, les paysages modifiés. Diffusez ce message.

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